Domaine et hôtel de Noailles, 10 et 11 rue d’Alsace

Cette demeure est au centre d’un vaste domaine qui, dans son extension maximale à la fin du XVIIIe siècle, s’étendait de l’actuelle place Édouard-Detaille jusqu’à la route de la Mare-d’Ayen. Ce domaine est composé du logis et de bâtiments annexes, d’un jardin et d’un parc. L’hôtel de Noailles est construit entre 1679 et 1682 par l’architecte du roi, Jules Hardouin-Mansart (1646-1708), pour Anne-Jules de Noailles (1650-1708), maréchal de France. Il fut la résidence de trois ducs de Noailles. Adrien-Maurice (1678-1766) et Louis (1713-1793) furent gouverneurs successifs de la ville et capitaines des chasses royales jusqu’à la Révolution. En 1751, Louis de Noailles duc d’Ayen acquiert l’hôtel voisin, celui d’Aumont, et le fait détruire pour construire une place (actuelle place Édouard-Detaille) et une avenue menant du parc du château à son hôtel (actuelle rue d’Alsace). Des quatre pavillons originels, deux seulement sont encore visibles aujourd’hui dans leurs caractéristiques du XVIIIe siècle. Du corps central subsistent deux bâtiments de part et d’autre de la rue d’Alsace, aux numéros 10 et 11. Vers 1780, le duc transforme le jardin, qui fut initialement géométrique dit « à la française », en jardin pittoresque dit « anglo-chinois » ou « anglais ». Des voies actuelles comme la rue du Parc-de-Noailles, la route de la Mare-d’Ayen ou encore route du Pavillon chinois sont un témoignage du tracé des anciennes allées du jardin. Le parc, planté d’espèces rares, reflétant la passion pour la botanique de Louis de Noailles, conserve aujourd’hui quelques sujets, dont des cèdres du Liban formant un « Ensemble arboré remarquable » labellisé par l’association Arbres en 2015.

Conçu et édifié en 1679 par l’architecte du roi, Jules Hardouin-Mansart à la demande d’Anne-Jules de Noailles, cet hôtel, entouré d’un vaste jardin, a été le bâtiment aristocratique le plus important de la ville au XVIIIe siècle.

Description de l’hôtel actuel


De l'hôtel actuel au 10 et 11 de la rue d’Alsace subsistent les deux-tiers du bâtiment, amputé de sa partie centrale par le percement de la rue en 1836 : le pavillon nord correspond à ce qui était l’appartement du duc, le pavillon sud à celui de la duchesse, surmontés d’un étage attique légèrement remanié ainsi que la toiture.
Façades et toitures sont inscrites au titre des Monuments historiques, ainsi que les groupes sculptés, le grand et le petit salon de l’appartement « de la duchesse ». Celui-ci est ouvert à la visite pendant l’été et sur demande pour des groupes.

Place Édouard-Detaille subsistent également les bâtiments d’écurie et de remise, ainsi que deux pavillons d’angle réalisés vers 1760 au moment de la création de la nouvelle entrée du domaine.
Le quartier s’étendant de la place Detaille à la route de la mare d’Ayen a été loti sur l’emplacement de l’ancien parc.

Histoire


Anne-Jules de Noailles. Gravure anonyme d'après F. de Troy. © Collection privée

Le commanditaire de l’hôtel est Anne-Jules de Noailles, comte d’Ayen puis duc de Noailles (1650-1708), nommé maréchal de France en 1693. Sa valeur militaire en fait un proche du roi, qui lui confie la direction du cortège devant mener son petit-fils, le futur roi Philippe V, jusqu’à la frontière espagnole.
Son fils Adrien-Maurice (1675-1766) exerce des fonctions importantes pendant la Régence et sous Louis XV. Il est nommé en 1717 capitaine et gouverneur des châteaux, jardins, parcs, forêts et chasses de Saint-Germain-en-Laye.
En 1746, il le cède de son vivant à son fils aîné Louis (1713-1793), également très proche du roi et d’ailleurs capitaine des gardes du corps de service le soir de l’attentat de Damiens en 1757. Féru de botanique, Louis de Noailles met en œuvre une politique d’agrandissement de sa propriété pour y créer un jardin pittoresque, animé de fabriques et de grottes, et y introduit de nombreuses essences rares ainsi que des arbres et des plantes venus de pays lointains.

Le mariage de l’une des petites-filles du duc, Adrienne, avec le marquis de La Fayette, facilite d’ailleurs l’introduction de plantes « américaines » dans le domaine.

Louis de Noailles n’émigre pas au moment de l’éclatement de la Révolution mais meurt de vieillesse à Saint-Germain en 1793, échappant au sort réservé à la duchesse, guillotinée deux ans plus tard en compagnie d’une de ses filles et d’une de ses petites-filles. L’émigration de plusieurs membres de la famille de Noailles conduit à la saisie de l’Hôtel et à un projet de division en 86 lots, dont l’essentiel est acheté sous l’Empire par Pierre Antoine Bézuchet. Son successeur vendra les lots à des particuliers entre 1830 et 1839 : vers 1836 les rues d’Alsace et de Tourville sont percées, et la partie centrale de l’Hôtel détruite.

Résidents et visiteurs célèbres


Sous l’ancien Régime, l’Hôtel a accueilli nombre d’illustres visiteurs :

  • Les trois rois, Louis XIV, Louis XV et Louis XVI y faisaient régulièrement halte à la fin des chasses en forêt de Saint-Germain ; habitude reprise par Louis XVIII à la Restauration.
  • Deux futurs présidents des États-Unis d’Amérique, Thomas Jefferson et John Quincy Adams, y ont également été reçus.
  • Elisabeth Vigée-Lebrun comme Hubert Robert étaient des familiers des lieux.
  • De nombreux compositeurs et musiciens ont participé à la vie musicale de l’Hôtel, en particulier Jean-Chrétien Bach, le castrat Giusto Ferdinando Tenducci et Wolfgang Amadeus Mozart en août 1778. Plus récemment, le fonds Debussy a été conservé dans les lieux avant de trouver place dans sa maison natale rue au Pain.

Architecture


Cette demeure est construite entre 1679 et 1682 par l’architecte Jules Hardouin-Mansart qui avait réalisé pour le roi à Saint-Germain-en-Laye le château du Val. À cette date le tout nouvel architecte du roi est en charge des projets de modifications du château royal. Ce bâtiment est connu par un plan de 1701 et des gravures de Mariette de 1681 et 1686. Les travaux de décoration se terminent en 1683.
Par la suite, le duc demande à l’architecte du roi Robert de Cotte des ornements pour ses façades : sans doute des vases sculptés, des bustes et trophées d’armes qui pourraient être ceux présents sur le porche de l’entrée du pavillon sud. Des travaux dans le domaine sont confiés à Pierre Cailleteau dit Lassurance, contrôleur des Bâtiments du roi à Saint-Germain. De 1754 et 1756, une nouvelle place (actuelle place Detaille) est réalisée changeant l’axe d’entrée du domaine sur le dessin de l’architecte du roi Ange-Jacques Gabriel. Entre 1770 et 1780, de nombreux travaux sont réalisés dans le jardin avec le concours du peintre Hubert Robert.

Source : Une maison de plaisance au XVIIIème siècle, l’Hôtel de Noailles à Saint-Germain-en-Laye, sous la direction de Françoise Brissard et Gabriel Wick,
© Editions Artlys, Paris, 2016
© Photos : Françoise Brissard